Lettre à mon Député

Monsieur le Député,

Suite à la lecture de votre article sur le projet de loi sur le renseignement: http://www.jeanluclaurent.fr/Liberticide_a423.html

Je tenais à vous faire part de mes inquiétudes concernant ce texte et de mes désaccords.

En premier lieu, vous indiquez que vous ne légiférez pas dans l’urgence. Cette affirmation est fausse. En effet, le Gouvernement utilise la procédure accélérée réduisant la possibilité pour vous d’effectuer votre travail de parlementaire dans de bonnes conditions, en particulier sur un texte aussi technique.

En deuxième lieu, dans votre article vous affirmez que ce projet est précis. Or il y a un point sur lequel il y a un manque de précision, et ce de manière cruciale et que je formulerai sous forme de question : Quels sont les motifs de mise en place d’une surveillance ?

En effet le texte prévoit que les techniques de renseignements pourront être mises en oeuvre pour les motifs suivants:

• « 1° La sécurité nationale ;

• « 2° Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France ;

• « 3° Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;

• « 4° La prévention du terrorisme ;

• « 5° La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L. 212-1 ;

• « 6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;

• « 7° La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Si l’on peut être d’accord avec certains motifs, d’autres sont sujets à interrogations.

À titre d’illustration, d’après le point numéro deux, s’engager à l’encontre des engagements européens constituerait un motif valable de mise sous surveillance. Cela concernerait donc votre propre parti lorsque vous appelez à boycotter les élections européennes: http://www.mrc-france.org/Parlement-europeen-cette-election-derisoire-se-fera-sans-nous_a602.html

Concernant le point numéro 3, nous pouvons légitimement nous poser la question de savoir en quoi les intérêts économiques de la France constituent un motif valable de mise sous surveillance. Ainsi, un militant, qui s’opposerait aux intérêts d’une grande multinationale française, pourrait être légalement surveillé.

Le point numéro 7 apparaît beaucoup trop flou, car toutes les manifestations politiques pourraient tomber sous ce motif.

Je n’affirme pas que ce gouvernement met en place une Police politique. Cependant, en manquant cruellement de précision, le législateur laisse aux Gouvernements suivants la possibilité d’utiliser la loi dans leurs propres intérêts. L’affaire des écoutes de l’Élysée démontre que ce risque est réel.

En troisième et dernier lieu, concernant la surveillance généralisée, puisque c’est bien de cela dont il est question, comme vous le soulignez, cela n’est pas efficace. Les fameuses boites noires vont concrètement surveiller tout le trafic sur le réseau pour identifier les comportements suspects.

Affirmer le contraire est soit un mensonge du gouvernement soit un aveu d’inefficacité. Le Gouvernement joue sur les mots en utilisant le terme de “meta données”. En effet, si l’algorithme secret défense du gouvernement ne lira effectivement pas notre email, en revanche, il saura avec qui et quand l’on communique, ainsi que les pages web que l’on consulte. Ce système livre déjà de façon systématique aux autorités des pans entiers de notre vie.

Aussi, je vous invite à ne pas me croire sur parole, mais à vous adresser aux milliers d’étudiants en informatique présents dans votre circonscription.

Par ailleurs, un tel système n’aurait permis d’éviter les évènements tragiques de janvier, où le problème n’était pas les moyens de renseignement disponibles ou le repérage de la menace, mais un manque de moyens humains des services. En outre, les terroristes sont déjà formés à contourner cette surveillance.

Enfin, je ne conteste pas que le citoyen pourra saisir le Conseil d’État en cas de dérive. Mais comment le pourrait-il, car il sera impossible pour lui de savoir que l’on a fait l’objet d’une surveillance particulière qui est par nature secrète ?

Et que risque un agent qui aurait abusé de son pouvoir ? La question demeure sans réponse.

L’impact économique sur votre circonscription est déjà là. L’hébergeur Gandi dont le siège est à 300 mètres d’Ivry à indiquer que dans ces conditions il se développerait à l’étranger. http://fr.gandi.press/100409-loi-sur-le-renseignement-gandi-reste-mobilise

L’année dernière, la ville du Kremlin-Bicêtre accueillait une exposition sur Jean Jaurès. Souvenez-vous de son combat contre les lois scélérates qui furent déjà en leur temps prises pour protéger les citoyens de leurs mauvaises pensées.

Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’expression de mes sentiments respectueux.

Julien Duponchelle
123 avenue de fontainebleau
Le Kremlin-Bicêtre

Mise à jours le 25/04/2015: Réponse de Monsieur Jean-Luc Laurent: http://www.jeanluclaurent.fr/Loi-Renseignement-parlons-en_a432.html